L’Orchestre Symphonique d’Europe et moi, par Piotr Moss

La création, en 1985, de l’Orchestre Symphonique d’Europe, a été, à l’époque, un événement. Qui aurait pu penser que l’on était à deux pas de l’Europe de plusieurs nations ? Ceux qui ont créé l’OSE – Olivier Holt, Laurent Kupferman et Eric Walter – avaient la simple idée de faire jouer ensemble de jeunes musiciens de plusieurs pays – et pas seulement européens, si ma mémoire est bonne.

Ils ont été des précurseurs : à voir maintenant tant d’orchestres et d’ensembles réunissant des musiciens de plusieurs nationalités, on ne peut que se louer encore davantage de la magnifique idée des créateurs de l’OSE.

J’ai eu la chance de travailler avec cet ensemble presque depuis sa naissance. Olivier Holt, qui avait déjà dirigé ma musique – il avait créé mon œuvre Incontri en 1984 au Théâtre du Châtelet en me permettant d’obtenir le Prix du public du concert « Référendum » – m’a proposé d’écrire des œuvres différentes et assez originales, lesquelles ont ensuite trouvé une prolongation dans ma création.

Ouverture pour vibra-slap et orchestre devait être drôle. Il est difficile d’écrire des pièces drôles, voire comiques : chacun de nous a son propre sens de l’humour. Mais nous avons gagné : lors de sa création, le 5 décembre 1988, au Théâtre du Rond-Point à Paris, la salle a beaucoup ri. Et il est toujours agréable de rendre les gens heureux. Un jour, Olivier Holt a donné cette pièce avec un autre orchestre, à Rouen. La réaction du public fut tout aussi enjouée.

Ouverture a été aussi exécutée par l’Orchestre de la Radio polonaise de Varsovie (n’oubliez pas que ma double nationalité polono-française m’« impose » de travailler pour les deux pays avec le même engagement !) à l’occasion du concert organisé pour mon soixantième anniversaire.

Cette Ouverture m’avait été bien sûr commandée par l’Orchestre Symphonique d’Europe. Une autre commande, très touchante pour moi, fut celle de l’Hymne papal, spécialement écrit pour un concert donné par l’Orchestre Symphonique d’Europe à Strasbourg, en 1988, à l’occasion des rencontres du Pape Jean-Paul II avec la jeunesse. Le concert a été bien médiatisé, j’ai été interviewé par la toute jeune TV5 et l’on a diffusé cette interview au Journal de midi.

Dans cette œuvre, je cite un hymne grégorien polonais, Bogurodzica (« Mère de Dieu ») et des musiques folkloriques de contrées polonaises proches du Pape (notamment des mélodies montagnardes ou cracoviennes).

Cette commande de l’Orchestre Symphonique d’Europe a été jouée en création polonaise par l’Orchestre Philharmonique de Łódź, puis par l’Orchestre de la Radio de Varsovie.

La troisième commande de l’Orchestre Symphonique d’Europe fut pour Huit cantiques protestants. Il s’agit ici de mon orchestration de l’hymne protestant La Cévenole et de chants comme, par exemple, « Grand Dieu nous te bénissons » ou « Célébrons éternel ». L’œuvre a été écrite pour quatre solistes et orchestre. Elle fut créée à Paris, Salle Pleyel, le 22 mars 1989. On peut trouver l’enregistrement de ce « Concert Huguenot » sur un CD édité par l’Orchestre. Je me souviens encore de la salle debout chantant avec les solistes La Cévenole !

Ce fut pour moi, qui suis catholique, mon premier contact, si proche, avec la musique protestante. Depuis lors, cette musique est devenue pour moi une source d’inspiration pour plusieurs œuvres, dont, parmi les plus récentes, Angst und Vertrauen ou, récemment terminé, le concerto Tenebroso.

L’Orchestre Symphonique d’Europe est, vingt-cinq ans après sa création, quelque peu oublié : il n’existe plus, après avoir partagé le destin de plusieurs précurseurs, de plusieurs pionniers. Mais la pensée de ses créateurs d’une part de réunir de jeunes musiciens de plusieurs nationalités pour leurs permettre de vivre leurs passions musicales et, d’autre part, d’engendrer et de soutenir la création musicale, a heureusement trouvé, dans l’activité des nombreux nouveaux ensembles ayant des profils similaires, son heureuse prolongation.

Ma collaboration avec l’Orchestre Symphonique d’Europe ne m’a pas seulement laissé l’agréable et indélébile souvenir de travailler avec des gens créatifs et motivés, mais elle a sûrement influencé mes créations ultérieures. Comme il est dommage – mais la vie est parfois cruelle – que nous ne puissions plus continuer de créer ensemble !

Et si cela changeait un jour ?…

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